Ma femme et ma fille dorment encore. Il est 5h du matin. La lumière perce les rideaux. J’enfile rapidement mon jean, referme doucement la porte. L’air frais vient caresser mon visage et engourdir mes mains. Un premier pont fait face à la chambre. Je le traverse sans savoir où cela me mènera et m’arrête de temps en temps pour admirer la brume qui coule sur la rivière.
La voiture traverse plusieurs ponts. Lorsqu’un paysage fantastique apparaît. Un cheval seul au milieu de cabanes calcinées, de voitures éparpillées. Un chien aboie à mon passage. Je n’ose pas m’arrêter. Mais ce paysage m’attire.
Je me gare et reviens sur mes pas. Un chien blanc volumineux court à travers le champs, parvient à traverser le grillage, pour finir sa course non loin de moi. Il m’aboie dessus. L’adrénaline m’envahit. Nous sommes sur des terres sauvages. Je m’approche tout de même. Une femme en robe de chambre finit par sortir d’une cabane dans le fond du champs. D’un pas énergique, elle bondit sur les rochers, trébuche de temps à autre. Je l’attends patiemment. Après cette traversée interminable, elle reprend son souffle. Et me demande ce que je fais là. Je lui explique que j’explore la région.
Elle me sourit. Une nouvelle silhouette apparaît à la porte de la cabane. Un vieil homme nous regarde. Après quelque minutes il finit par nous rejoindre.
Ils m’invitent à boire un café et m’ouvrent la barrière qui nous séparait jusqu’alors. J’ai la sensation d’entrer chez les derniers survivants de notre terre naufragée. Leur maison a brulé l’an passé. Ils reconstruisent jour après jour, avec une idée d’autonomie.
Cachée dans les décombres je finis par remarquer une réelle organisation : un potager, des panneaux solaires. Encore quelques semaines et l’électricité sera fournie par le soleil. Tandis que River se met à m’expliquer ses convictions, Russel s’en va derrière leur habitation de fortune pour allumer le générateur. Il revient quelques minutes plus tard avec un café au lait de chèvre et cardamome.
Passionnée, River continue à me parler tout en me faisant faire le tour de la propriété. Son livre « Human’s perfect food » traite du fort potentiel des graines originelles et de ce que nous aurions perdu avec notre nouvelle alimentation. Les hommes changeraient de comportement et l’humanité retrouverait son équilibre. Malheureusement sa publication a été écartée de la distribution. River aime la France, car elle estime que nous sommes un des premiers pays à se battre pour protéger les ressources agricoles. Je n’ose pas la contredire sur ce point. Elle tient à m’offrir son livre et aimerait tellement qu’il soit traduit en français. Je lui promets que je ferais mon possible pour l’aider.
Ils me raccompagnent à ma voiture. Dans le rétroviseur je les aperçois sur la route, entourés de leurs chiens et de leurs moutons. Ils finissent par disparaitre. Le soleil m’éblouit et laisse place à une nouvelle journée.
